depuis plusieurs années, et ménageaient une sorte de compromis entre les propriétaires d’esclaves et les travailleurs agricoles.
La république de 1848 ne devait pas tenir compte des ménagements et des lenteurs d’une émancipation graduelle. Son droit était de la décréter sans délai et sans exception. C’est ce qu’elle fit et elle fit bien.
Cependant on ne tarda pas de s’apercevoir que les anciens esclaves se méprenaient complètement sur la portée de l’acte qui les rendait à la liberté. Le défaut d’éducation aidant, l’effervescence des premières heures les entraîna à croire que l’abolition de l’esclavage n’était autre chose que l’abolition du travail.
Quelques-uns des émancipés, poussant plus loin l’hyperbole, se figurèrent véritablement que la mesure dont ils étaient l’objet supprimait jusqu’à la différence des couleurs de la peau, et j’ai pu me convaincre moi-même du sens qu’ils attachaient à l’émancipation, lorsque, un jour de l’année 1849, étant entré chez un marchand de tabac d’une de nos Antilles afin d’y faire l’acquisition de quelques paquets de cigares spéciaux à nos colonies, je commis l’imprudence de demander des bouts-de-nègre.
Un nouvel émancipé, noir comme le plus noir des Caffres, se trouvait dans la boutique. Il leva la tête en entendant ma demande, et m’interpellant en mauvais français :