Page:Chauvet - L Inde française.djvu/316

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— Vous, Monsieur, me dit-il, oublie que Nègres ont été abolis par l’émancipation.

— Alors il n’y en a plus, mon ami ?

— Plus du tout ; moi citoyen, toi citoyen, tous égaux, tous blancs.

Je ne répliquai pas un mot ; mais, prenant mon interlocuteur par la main, je l’amenai devant une glace qui ornait le fond de la boutique.

— Regardez, lui dis-je.

Il regarda et, à son tour, ne trouva rien à répondre. Évidemment ce brave garçon n’y entendait pas malice ; il voulait dire autre chose et n’avait pas su exprimer sa pensée. Mais, en fait, son ignorance et celle de ses congénères, habilement exploitées par l’ambition politique, mirent en péril sérieux la société coloniale.

Le résultat immédiat des suggestions dont on les accabla fut la désertion des ateliers, le renoncement aux travaux de l’agriculture, qu’ils considéraient à tort comme l’une des obligations de l’esclavage, et leur affiliation à des clubs où des meneurs retors leur enseignèrent l’art de voter en leur faveur.

Une loi, aussi équitable que celle de l’abolition, avait bien indemnisé les anciens maîtres de la perte qu’on leur avait fait subir en supprimant ce qu’ils avaient acheté et payé ; mais cette loi n’allait pas et ne pouvait pas aller jusqu’à contraindre les émancipés à continuer de travailler sur les habitations, et on put craindre sé-