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Page:Chazel - Le Chalet des sapins, 1875.djvu/19

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le chalet des sapins

Notre père avait été jusqu’à l’époque où commence ce récit notre seul maître. Il dépensait, dans le métier difficile de faire soi-même l’éducation de ses enfants, le plus pur de sa patience. Et Dieu sait ce que Maurice et moi, et même Marguerite notre sœur, avions dû lui fournir d’occasions de l’exercer. Cher père ! la patience n’était certes pas sa principale vertu, celle qui lui était le plus facile ; mais, quand il prenait sa grosse voix, nous n’avions garde de nous y tromper. Un rire mal étouffé de Maurice l’avait bientôt apaisé ; un baiser de Marguerite achevait le désarmement, et, tandis que son grand fauteuil était pris d’assaut, nous l’entendions qui grommelait sous nos caresses : — « Faites donc de la morale à ces mioches ! Il n’y a véritablement plus moyen de gronder dans cette maison-là ! »

Tel qu’il était, nous l’adorions, et notre amour parfois indiscipliné n’en était pas moins tendre. Quand il nous racontait, le soir, à la veillée, ses vieux récits de batailles (les enfants n’aiment que les histoires qu’on leur a contées cent fois), nous ne le quittions pas des yeux ; il nous semblait le voir, à la tête de son régiment, au milieu du danger. Parfois l’illusion était si forte qu’un frisson nous prenait pour de bon et qu’il adoucissait