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Page:Chazel - Le Chalet des sapins, 1875.djvu/23

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le chalet des sapins

époque les chemins étaient difficiles, et sans un guide expérimenté on avait bientôt fait de se perdre. À force de mettre un pied devant l’autre, nous en étions arrivés à faire de nos jambes des instruments de voyage perfectionnés qui expédiaient une lieue et même deux le plus lestement du monde. C’est vous dire que Maurice et moi nous ne ressemblions guère à ces petits hommes craintifs qui n’auraient pas le courage d’aller au bois la nuit venue, et qui, au lieu de tâcher de voir clair, même dans les ténèbres, ferment sottement les yeux et se prennent à trembler, sans savoir pourquoi, dès que l’obscurité les entoure.

Le plus souvent mon père nous accompagnait ou nous confiait à la surveillance d’un de nos garçons de ferme, Locker, Schmidt ou tout autre. Mais il nous arrivait parfois de partir seuls, et ces occasions-là n’étaient pas les moins recherchées.

Le grave défaut de cette éducation tout américaine eût été de faire peu à peu de nous de vrais petits sauvages, des enfants de la forêt, dans toute l’acception du mot, si la petite fée de la maison, notre sœur Marguerite, ne s’était trouvée là pour conjurer ce que cette liberté pouvait avoir d’excessif.