Aller au contenu

Page:Chazel - Le Chalet des sapins, 1875.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

12
le chalet des sapins

Avec ses douze ans, ses petits airs timides, sa voix caressante, Marguerite s’arrangeait de façon à nous conduire tous ensemble par le bout du nez, y compris peut-être notre père lui-même, qui, sans vouloir toujours en convenir, ne voyait que par ses yeux. Que de pardons cette petite fille souriante savait obtenir ! Combien de nos garçons de ferme lui ont dû de garder leur place, après s’être entendu signifier un congé définitif ! Que de fois encore, grâce à elle, la main levée, au lieu de retomber sur nos têtes coupables, se bornait-elle à un simple geste de remontrance ou de menace !

Je me suis souvent demandé par quel prodige d’activité Marguerite, aidée d’une seule bonne, la vieille mais alerte Salomé, trouvait moyen d’être partout, du matin au soir, donnant un coup d’œil à la cuisine, à la laiterie, à la salle d’étude, au jardin, félicitant les uns, grondant les autres, et cela sans avoir l’air d’y toucher, avec la prévoyance d’une ménagère accomplie. Je la vois encore, assistée de son aide de camp Salomé, convoquer, dès la première heure, le ban et l’arrière-ban des servantes de la ferme, et, suivie de cet état-major en jupons, distribuer à chacune la besogne de la journée. Puis, quand les choses