Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/201

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enfin. Il étendit le bras, et d’un ton caverneux :

« — Ne la vois-tu pas ?

« Je courus chercher un verre d’eau, je lui en aspergeai le visage. Il se laissa tomber sur une chaise, partit d’un éclat de rire, s’écria :

« — Merci, je ne la vois plus.

« J’allai m’asseoir auprès de lui. Il promena sa main dans mes cheveux, en disant :

« — Ma parole, j’ai bien cru que j’en deviendrais fou.

« — C’est tout fait, lui dis-je, et depuis longtemps. Mais tu me diras le nom de cette femme.

« Il se mit à rire de nouveau :

« — Quelle plaisanterie ! ces femmes-là n’ont point de nom.

« — Est-ce une fille ? est-ce une femme du monde ?

« — Une vraie scélérate, répliqua-t-il. Un jour, elle est entrée chez moi, elle me fit peur, je l’ai renvoyée, chassée. Elle est revenue, elle m’a dit : Je te tiens, tu es à moi, je ne te lâcherai plus… Je suis parti, j’ai détalé, j’ai mis entre nous mille lieues d’eau salée ; elle a couru après moi, elle m’a rattrapé, tout à l’heure elle était ici. Mais te voilà, elle a disparu, je suis sauvé.