Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/244

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indications des poteaux. Cet irascible sociologue s’en prit à sa femme, qui, pendant qu’il parlait et délibérait, s’assit sur le revers d’un talus pour donner un peu de relâche à ses pieds meurtris.

« Mulier magnum impedimentum ! » s’écria M. Drommel.

Et, la priant de l’attendre, il enfila au hasard l’une des cinq traverses, dans l’espérance qu’elle aboutissait à une grande route, où il trouverait à qui parler.

Mme Drommel n’aimait pas les vipères, elle n’aimait pas non plus la solitude. Elle promena ses yeux autour d’elle et ressentit quelque émotion. Elle voyait le crépuscule s’épaissir rapidement, et cette grande forêt, dont la nuit s’emparait par degrés, lui faisait peur. Elle se mit à chanter, ce qui est un signe grave ; elle ne se doutait pas qu’on l’écoutait. Elle s’interrompit soudain, elle avait entendu le bruit d’un pas. Le cœur lui battit très fort, le sang lui monta aux joues.

« Johannes, est-ce toi ? » cria-t-elle.

Une voix claire et fraîche lui répondit :

« Je ne suis pas Johannes, et j’en ai bien du regret, madame, puisque c’est lui que vous appelez. »

Son émotion se dissipa subitement et fit place à la surprise. La voix qui venait de lui parler n’avait