Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/88

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il fut sur le point de se trouver mal. Une seule fois jusqu’alors il avait éprouvé une ivresse d’émotion comparable à celle-ci : c’était près de Thèbes, un jour que, faisant une fouille, il avait vu de ses yeux apparaître au fond de la tranchée un grand sarcophage de granit rose. Ce jour-là aussi, il lui avait pris une défaillance.

Mme Corneuil s’assit sur un banc ; il se laissa tomber à ses pieds, et posant ses coudes sur des genoux adorés, les mains dans les mains, il resta quelque temps à la manger des yeux. Il n’y avait que la largeur d’une route entre la charmille et le lac ; ils entendaient la vague qui causait tout bas avec la grève ; elle balbutiait des mots d’amour, elle racontait des joies et des mystères qu’aucune langue humaine ne peut dire.

Après un long silence :

« Les grands bonheurs sont toujours inquiets, toujours sur le qui-vive, reprit Mme Corneuil ; tout les effarouche, ils ont peur de tout. Je vous en supplie, débarrassez-nous de ce diplomate. Je n’ai jamais aimé les diplomates ; des préjugés, des intérêts, des calculs, des vanités, ils ne voient que cela dans le monde.

— Vos volontés me sont sacrées, lui dit-il, et, dussé-je me brouiller à jamais avec lui, je ferai tout