Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/108

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père Noël, et la neige s’épaississait autour de ses souliers. Mais il semblait que rien ne pût l’arracher à la contemplation de cette poupée fanée. Il était assez étrange qu’un être humain quelconque se tînt par un pareil temps en observation devant une telle boutique. L’étonnement de Syme ne tarda pas à changer en un malaise très personnel, car il reconnut tout à coup le vieux professeur paralytique de Worms. Ce n’était guère l’endroit qui convenait à un homme de son âge, accablé des infirmités qu’il avait.

Syme était prêt à admettre n’importe quoi d’invraisemblable sur le compte de n’importe lequel des « déshumanisés » qui composaient le Conseil. Mais il ne pouvait croire que le vieux professeur fût amoureux de cette poupée de cire. Il préféra s’expliquer le cas en supposant que le malade était sujet à des accès de catalepsie, de rigidité subite, et même il se félicita, n’étant nullement enclin à la pitié envers un tel individu, de pouvoir, par une fuite rapide, le distancer tout de suite.

Car Syme avait besoin d’échapper, ne fût-ce que pour une heure, à l’atmosphère empoisonnée qu’il respirait depuis la veille. Alors, il pourrait, du moins, mettre de l’ordre dans ses pensées, délibérer sur la conduite à tenir, et d’abord résoudre ce problème : était-il, ou non, enchaîné par la parole donnée à Gregory ?

Sous les flocons de neige qui dansaient dans l’air, il s’éloigna, traversa quelques rues et entra