Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quée. Quant à savoir si je suis un vieillard, ce n’est pas à moi d’en juger. Lors de mon dernier anniversaire, j’avais trente-huit ans.

— Et vous n’êtes pas malade non plus.

— Si, répondit l’autre, flegmatiquement, je suis sujet aux rhumes.

Syme rit encore. Il s’égayait à penser que le vieux professeur était, en réalité, un jeune comédien, grimé comme au moment de paraître sur la scène. Mais il sentait qu’il aurait ri d’aussi bon cœur si un moutardier s’était renversé sur la table.

Le faux professeur vida son verre de bière, puis, passant sa main dans sa barbe :

— Saviez-vous, demanda-t-il, que ce Gogol fût des nôtres ?

— Moi ? Non, je ne savais pas, répondit Syme avec surprise. Mais, vous, l’ignoriez-vous donc ?

— Je n’en savais pas plus là-dessus que les morts du cimetière. Je croyais que le Président voulait parler de moi, et je tremblais dans mes bottes.

— Et moi de même ! Je croyais qu’il parlait de moi ! Tout le temps, j’avais la main sur mon revolver.

— C’est ce que je faisais aussi, dit le professeur, et c’est évidemment ce que faisait aussi Gogol.

Syme frappa du poing la table :

— Trois ! s’écria-t-il, nous étions trois ! Trois contre quatre, on peut se battre ! Si nous avions su que nous étions trois !