Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/129

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professeur, qui paraissait bien connaître ces parages, se dirigea vers un endroit où la ligne illuminée des boutiques était subitement brisée par un bloc d’ombre et de silence. Un vieil hôtel recrépi, mais délabré, occupait ce retrait, à vingt pas de la rue.

— On trouve un peu partout, expliqua le professeur de Worms, de bons vieux hôtels anglais abandonnés comme des fossiles. Il m’est arrivé de découvrir un hôtel très convenable dans le West End.

— Je pense, dit Syme en souriant, que voici le pendant de celui-ci dans l’East End.

— Vous avez deviné, répondit poliment le professeur en entrant.

Ils dînèrent, puis dormirent, et s’acquittèrent très consciencieusement de ces deux fonctions. Des haricots et du lard apprêtés à merveille, un excellent bourgogne qui s’étonnait de sortir de pareilles caves, achevèrent de donner à Syme la confortable assurance qu’il possédait un nouvel ami. Tout au long de cette épreuve, sa crainte la plus vive avait été de rester isolé. Aucun mot ne saurait exprimer la différence qu’il y a entre l’alliance de deux hommes et l’isolement de chacun d’eux. On peut concéder aux mathématiciens que deux et deux font quatre. Mais, deux, ce n’est pas l’addition de un et un : deux, c’est deux mille fois un ! C’est pourquoi l’humanité restera toujours fidèle à la monogamie, malgré tous les inconvénients qu’elle comporte.