Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/141

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Le professeur restait silencieux. Il souriait finement, faiblement.

— Combien de temps vous a-t-il fallu ?

Le professeur ne bougea pas.

— Que Dieu vous confonde ! Êtes-vous devenu muet ? s’écria Syme avec une colère qui cachait quelque inquiétude. Il ne savait pas au juste si le professeur pouvait répondre.

Et Syme s’immobilisait lui-même devant cette figure immobile et parcheminée, ces yeux bleus, sans expression. Sa première pensée fut que le professeur était devenu fou, mais sa seconde pensée fut plus terrible encore. Que savait-il, après tout, de cette créature étrange dont il avait accepté, sans méfiance, l’amitié ? Que savait-il, sinon qu’il avait rencontré cet homme au déjeuner des anarchistes, puis qu’il lui avait entendu conter une histoire ridicule ? N’était-il pas invraisemblable que le Conseil présidé par Dimanche comptât, outre Gogol, un autre ami ? Le silence de cet individu signifiait-il une sensationnelle déclaration de guerre ? Fallait-il lire dans ces yeux sans vie l’affreuse pensée d’un triple traître, qui venait de déserter pour la troisième fois ? Dans cet impitoyable silence, Syme tendait l’oreille.

Il croyait entendre dans le corridor les pas furtifs des dynamiteurs accourus pour se saisir de lui.

Mais, par hasard, son regard se baissa, et il poussa un grand éclat de rire.

Les cinq doigts du professeur, qui se tenait là