Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/157

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trois, isolés sur cette planète. Gogol est Dieu sait où, si tant est que le Président ne l’ait pas écrasé comme une mouche. Au Conseil, nous voilà trois contre trois, comme les Romains qui gardaient le pont. Mais notre situation est exceptionnellement périlleuse, d’abord parce que nos adversaires peuvent faire appel à leur organisation, tandis que nous ne pouvons nous réclamer de la nôtre, et ensuite parce que…

— Parce que l’un des Trois auxquels nous avons affaire, interrompit le professeur, n’est pas un homme.

Syme approuva de la tête, et, après un silence d’une ou deux secondes, il dit :

— Voici mon idée. Faisons tout ce qu’il nous sera possible de faire pour retenir le marquis à Calais jusqu’à demain à midi. J’ai retourné une vingtaine de projets dans ma tête. Il est entendu que nous ne pouvons le dénoncer comme dynamiteur. Nous ne pouvons pas davantage l’accuser de quelque moindre crime, car il nous faudrait comparaître en justice, et puis, il nous connaît, il éventerait la mèche. Quant à l’immobiliser sous prétexte de nouvelles combinaisons anarchistes, sans doute il avalerait bien des couleuvres de cette couleur-là, mais consentirait-il jamais à rester à Calais tandis que le Tsar irait à Paris, en toute sécurité ? L’enlever, l’enfermer, le garder à vue : j’y ai pensé. Mais il est bien connu à Calais. Il a toute une garde du corps d’amis. Il est très fort et