Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/171

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cible horreur que doit causer à tout homme le vide pneumatique de la science. C’était, dans le premier cas, l’antique peur de l’homme qui croyait à la constante possibilité du miracle ; c’était, dans le second cas, la peur, autrement grave, de l’homme moderne, qui ne croit à la possibilité d’aucun miracle. Mais maintenant il se rendait bien compte de l’égale inanité de ces deux peurs, maintenant qu’il était sollicité par une autre peur, impitoyablement réelle, celle-là, et contrôlée par le plus grossier bon sens, la peur de la mort. Il était comme un homme qui a rêvé, toute la nuit, de gouffres et de chutes, et qui apprend en s’éveillant qu’il va être pendu. Car, dès qu’il eut vu la lumière scintiller sur la lame du marquis, dès qu’il eut senti le froissement de cette lame contre la sienne, il connut qu’il avait affaire à un terrible tireur et que, selon toute probabilité, sa dernière heure avait sonné.

Aussitôt, toute la terre autour de lui, l’herbe à ses pieds, prit une étrange valeur à ses yeux. De quel intense amour de la vie frissonnaient toutes choses ! Il lui semblait entendre l’herbe pousser, voir s’épanouir dans la prairie de nouvelles fleurs, des fleurs rouges, des fleurs dorées, des fleurs bleues, tout le défilé des couleurs du printemps. Et, chaque fois que son regard quittait les yeux calmes et fixes, les yeux d’hypnotiseur du marquis, Syme voyait s’estomper sur l’horizon le petit buisson blanc de l’amandier. Il avait le