Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/220

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— Je suis dans le cabanon des fous furieux, déclara Bull avec résignation.

Tous se turent. Ratcliff considéra la mer gris-violet, et dit :

— Fous ou sages, qu’importe ? Nous serons tous morts tout à l’heure.

— Vous avez donc perdu tout espoir ? lui demanda Syme.

M. Ratcliff observa le silence d’un rocher.

— Non, ce qu’il y a de plus étrange, répondit-il enfin, c’est que je n’ai pas perdu tout espoir. Je sens palpiter en moi un tout petit espoir insensé, que je ne puis chasser de mon esprit. Toutes les puissances de la planète sont coalisées contre nous. Et je ne puis m’empêcher de me demander si cette folle petite espérance est tout à fait déraisonnable.

— En qui ou en quoi espérez-vous ? questionna Syme, curieux.

— En un homme que je n’ai jamais vu, répondit l’autre en se tournant vers la mer de plomb.

— Je sais qui vous voulez dire, répondit Syme à voix basse, l’homme de la chambre obscure. Il y a longtemps que Dimanche l’aura tué !

— Peut-être. En tout cas, c’est le seul homme que Dimanche ait pu avoir quelque peine à tuer.

— J’ai entendu ce que vous avez dit, intervint le professeur, qui leur tournait le dos ; moi aussi, je crois fermement en ce que je n’ai jamais vu.

Syme qui était là comme aveuglé à force de réfléchir se tourna tout à coup et s’écria brus-