Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quement comme un homme subitement réveillé :

— Où est le colonel ? Je le croyais avec nous !

— Le colonel ? répéta Bull. Ah ! oui, où est donc le colonel ?

— Il est parti pour conférer avec Renard, dit le professeur.

— Nous ne pouvons l’abandonner à ces brutes ! dit Syme. Mourons en gens d’honneur, si…

— Ne vous apitoyez pas trop sur le sort du colonel, fit Ratcliff avec un pâle sourire de mépris. Le colonel est tout à fait à son aise, il est…

— Non ! Non ! Et non ! interrompit Syme avec une sorte de fureur. Qui vous voudrez, mais pas le colonel ! Je ne le croirai jamais !

— En croirez-vous vos yeux ? demanda l’autre en montrant le rivage.

Beaucoup de leurs ennemis étaient entrés dans l’eau en serrant les poings. Mais la mer était mauvaise, et ils ne pouvaient atteindre la jetée. Deux ou trois, pourtant, avaient réussi à gagner les marches de pierre et continuaient à s’avancer, prudemment. La lueur d’une lanterne éclaira la figure des deux premiers. L’une portait un masque, au-dessous duquel la bouche se tordait avec une telle frénésie nerveuse que la barbe, agitée par le mouvement de la mâchoire inférieure, se retournait en tous sens, comme quelque chose de vivant et d’inquiet. L’autre avait le visage rouge et la moustache grise — la moustache du colonel Ducroix. Les deux hommes se consultaient gravement.