Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/268

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riant et causant, disparurent dans les passages de cette antique demeure. Bientôt il n’y eut plus qu’une dizaine de promeneurs dans le jardin, puis il n’en resta que quatre. Enfin, le dernier danseur disparut en courant dans le château et en criant à ses compagnons de l’attendre. Le feu s’éteignit et au ciel, les lentes étoiles brillaient, impérieusement.

Les sept hommes étaient seuls, comme des statues de pierre, sur leurs sièges de pierre. Aucun d’eux n’avait proféré une parole. Ils ne semblaient pas pressés de parler, se complaisant dans ce silence, écoutant le bruissement des insectes et le chant lointain d’un oiseau.

Puis Dimanche parla. Mais d’un ton si rêveur qu’on eût dit qu’il continuait une conversation interrompue, plutôt qu’il n’en commençait une.

— Nous irons manger et boire plus tard, dit-il. Restons ensemble quelque temps, nous qui nous sommes si douloureusement aimés, si opiniâtrement combattus. Je crois me rappeler des siècles de guerres héroïques, dont vous avez toujours été les héros, épopée sur épopée, Iliade sur Iliade où vous fûtes toujours compagnons d’armes ! Que ces événements soient récents ou qu’ils datent de l’origine du monde, peu importe, car le temps n’est qu’illusion. Je vous ai envoyés dans la bataille. Je restais dans les ténèbres, où il n’est rien de créé, et je n’étais pour vous qu’une voix qui vous commandait le courage et une vertu surnaturelle. Vous entendiez cette voix dans les ténèbres, puis, vous