Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/270

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réconcilié ! Si vous étiez l’homme des ténèbres, pourquoi étiez-vous aussi Dimanche, cet outrage à la lumière ? Si vous étiez dès l’abord notre père et notre ami, pourquoi étiez-vous aussi notre pire ennemi ? Nous pleurions, nous fuyions, terrifiés, le froid du fer dans le cœur — et vous êtes la paix du Seigneur ! Oh ! je pardonne à Dieu son courroux, même quand ce courroux détruit des nations, mais je ne puis lui pardonner sa paix.

Dimanche ne répondit pas un mot ; mais il tourna sa figure de pierre vers Syme, comme pour l’interroger.

— Non, dit Syme, je ne suis pas aussi féroce. Je vous suis reconnaissant, non seulement du bon vin et de l’hospitalité dont nous jouissons ici, mais encore des belles aventures où vous nous avez jetés et de maint joyeux combat. Mais je voudrais savoir. Mon âme et mon cœur sont calmes et heureux comme ce vieux jardin, mais ma raison ne cesse de gémir : je voudrais savoir !

Dimanche jeta un regard à Ratcliff, qui dit de sa voix claire :

— Il me semble cocasse que vous ayez été des deux côtés à la fois, vous combattant vous-même.

Bull dit :

— Je n’y comprends rien, mais je suis heureux. Je crois que je vais m’endormir.

— Je ne suis pas heureux, dit le professeur, la tête entre ses mains, parce que je ne comprends pas. Vous m’avez fait frôler l’enfer d’un peu trop près.