Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/272

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Or il arriva un jour, murmura Bull qui paraissait s’être endormi pour tout de bon, que les fils de Dieu étant venus se présenter devant l’Éternel, Satan vint aussi au milieu d’eux.

— Vous avez raison, dit Gregory en regardant autour de lui, je suis le destructeur. Je détruirais le monde si je le pouvais.

Un sentiment de pathétique qui semblait venir des profondeurs de la terre s’empara de Syme, et il parla d’une façon saccadée et incohérente.

— Oh ! s’écria-t-il, ô le plus malheureux des hommes, essayez d’être heureux ! Vous avez les cheveux blonds, comme votre sœur…

— J’ai des cheveux fauves, fauves comme le feu, dit Gregory, couleur de la fournaise où périra le monde ! Je pensais haïr toutes choses plus qu’aucun homme ordinaire ne saurait haïr une seule entre toutes les choses. Mais je vois maintenant qu’il n’est rien ni personne que je haïsse autant que vous.

— Je ne vous ai jamais haï, dit Syme tristement.

Alors, l’inintelligible créature jeta ces dernières clameurs :

— Ô vous ! s’écria-t-il, vous n’avez jamais haï parce que vous n’avez jamais vécu ! Je sais qui vous êtes, vous tous, depuis le premier jusqu’au dernier. Vous êtes les gens en place, les hommes au pouvoir. Vous êtes la police, les hommes gros et gras, souriants, vêtus d’habits bleus aux bou-