Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/87

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sieur, l’illustre professeur de Worms, occupait le siège de Vendredi. Du moins, il l’occupait encore, mais on pouvait chaque jour s’attendre à ce qu’il le laissât vacant. Encore que son cerveau gardât toute son activité, le professeur penchait au dernier période de la décadence sénile. Son visage était aussi gris que sa longue barbe grise. Une ride profonde, expression d’un doux désespoir, creusait son front. Nul autre, pas même Gogol, ne faisait avec son habit de fiancé un contraste plus pénible. La fleur rouge de sa boutonnière accusait, exagérait encore la lividité d’un visage littéralement décoloré, plombé. On eût dit un cadavre que quelques dandies ivres auraient affublé de leurs habits mondains. Chaque fois qu’il devait se lever ou s’asseoir, ce qui n’allait pas sans peine, ses mouvements trahissaient quelque chose de pire qu’une simple faiblesse, quelque chose d’indéfinissablement lié à l’horreur de toute la scène. Une idée détestable traversa l’esprit frémissant de Syme. Ce n’était pas seulement de la décrépitude, c’était déjà de la pourriture ! Il ne put s’empêcher de penser qu’à chaque mouvement le professeur pouvait très bien laisser choir un de ses bras ou une de ses jambes.

Samedi tenait le bout de la table. Le plus simple de tous ; non pas le moins étonnant. Ce petit homme trapu, au visage carré et rasé de près, portait le nom de Bull : le docteur Bull. On observait chez lui ce mélange de désinvolture et de familiarité polie qui caractérise souvent les jeunes méde-