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— C’est la phrase qui monterait à toutes les lèvres ! dit Murrel.

Quoiqu’il continuât à se payer audacieusement la tête du bibliothécaire, Murrel commençait à se convaincre du sérieux de cette étrange discussion. Car il lisait sur le visage de Herne une expression de finesse qui est le triomphe de la simplicité.

— Je veux qu’on me pende ! éclata Archer comme quelqu’un qui secoue un cauchemar. Je vous répète que ce n’est qu’une comédie ! Je sais déjà mon rôle et il est bien plus long que le vôtre.

— En tout cas, vous aviez de l’avance sur moi, insista Herne. Vous avez réfléchi aux troubadours, vécu leur vie. Tout le monde pourrait voir que je ne l’ai pas fait ; il y aurait toujours quelque petit détail à côté duquel je passerais, quelque erreur, un rien qui ne serait pas médiéval dans mon interprétation. Je n’aime pas à me mêler à des gens qui connaissent leur sujet, et vous avez étudié le vôtre.

Il regardait l’expression un peu ahurie de la jeune fille, tandis qu’Archer derrière elle, dans l’ombre, paraissait envahi par une sorte de découragement amusé. Soudain le bibliothécaire sortit de sa méditation et parut s’éveiller :

— Évidemment je pourrais chercher quelques documents dans la bibliothèque, dit-il en se tournant vers les rayons. Il y a une très bonne collection française sur tous les aspects de la question, sur la planche du haut, à ce que je crois.

La bibliothèque était une pièce d’une hauteur exceptionnelle, avec un plafond voûté aussi élevé que celui d’une église, car cette salle faisait partie des bâtiments qui constituaient l’ancienne abbaye de Seawood. C’est pourquoi la « planche d’en haut » dominait un précipice. On ne pouvait l’escalader