Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/47

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ressemblance, car il était laid, avec des cheveux courts et une moustache en brosse. Il avait en revanche les yeux clairs d’un homme courageux et ses façons étaient agréables et sans prétentions. C’était un propriétaire des environs, qui jouissait d’une certaine réputation de voyageur sous les tropiques. Elle le présenta, et après avoir échangé quelques mots avec le groupe, elle dit à Wister :

— Je crains de vous avoir interrompu ?

— Je disais, fit Wister d’un ton dégagé mais un peu hautain, que j’ai peur que nous ne descendions vers la Démocratie et vers une ère d’hommes vulgaires. Les grands hommes de l’époque Victorienne sont morts !

— Oui, évidemment, répondit la jeune fille un peu au hasard.

Il résuma :

— Il ne nous reste plus de géants.

— Ainsi tout le monde devait se plaindre en Cornouailles, réfléchit Braintree, quand Jack le tueur de Géants avait accompli ses tournées professionnelles.

— Quand vous aurez lu les œuvres des géants de l’époque Victorienne, dit Wister avec un certain mépris, vous comprendrez peut-être ce que j’entends par là.

— Vous ne pouvez pas vouloir dire, M. Braintree, intervint la jeune fille, que vous désirez que l’on tue les grands hommes ?

— Mais je pense au contraire qu’il y a là une idée à exploiter, dit Braintree. Tennyson méritait la mort pour avoir écrit La Reine de Mai, et Browning méritait la mort pour avoir fait rimer des calembours, et Herbert Spencer méritait la mort pour avoir écrit L’individu contre l’État, et Carlyle méritait la mort parce qu’il était Carlyle, et Dickens méritait la mort