Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/67

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— Voyons, répondit M. Herne, en fermant les yeux à demi, je pense que nous pourrions situer la période la plus intéressante entre, disons, 1080 et 1260. Qu’en pensez-vous ?

— Je pense que c’est attendre bien longtemps un repas ; ma parole, vous devez être affamé ! Êtes-vous vraiment resté perché là-haut pendant deux cents ans ?

— Je me sens tout drôle, avoua M. Herne.

— Je n’apprécie pas la plaisanterie autant que vous, répondit l’autre. Attendez, je vais vous apporter quelque chose à manger. Les domestiques ne sont pas encore levés, mais un garçon d’office de mes amis m’a appris jadis le chemin du garde-manger.

Il sortit précipitamment de la pièce et revint au bout de cinq minutes, portant un plateau chargé de choses hétéroclites, parmi lesquelles on voyait surtout des bouteilles de bière.

— Fromage britannique ancien, dit-il en plaçant les divers objets sur la tablette d’une bibliothèque tournante ; poulet froid, probablement pas antérieur à 1390 ; bière, telle que la buvait Richard Cœur de Lion, ou tout ce qu’il en a laissé ; jambon froid à la mode Troubadour. Attaquez-le tout de suite, je vous assure que le manger et le boire ont été pratiqués dans les meilleures périodes.

— Je ne veux pas boire toute cette bière, dit le bibliothécaire, il est encore de bonne heure.

— Au contraire, il est très tard, dit Murrel. Je ne demande pas mieux que de vous tenir compagnie, car je finis moi-même une sorte de fête. « Encore un petit verre de vin ! » comme il est dit dans la chanson des Troubadours de Provence. Cela ne nous fera pas de mal !

— En réalité, dit Herne, je ne comprends pas très bien ce que tout cela signifie ?