Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/69

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sérieux, c’est impossible. Chanter n’est pas de ma compétence.

— Dégringoler du sommet des bibliothèques en est bien, repartit son compagnon. Je dégringole souvent des omnibus, mais je n’aurais pas mieux fait. Il me semble, cher monsieur, que vous êtes un phénomène mystérieux. Pourquoi n’êtes-vous pas descendu plus tôt ?

— Je devrais avoir honte, répondit tristement l’érudit ; réellement c’est une espèce d’infidélité. Il me semble que je suis amoureux de la femme d’un autre. Chacun devrait s’en tenir à son sujet.

— Vous pensez que la Princesse Pal-Ul — est-ce bien cela ? — sera jalouse de Bérengère de Navarre ? Quel beau sujet pour un feuilleton ! Je suppose en tous cas que les livres là-haut vous intéressaient ?

— Ils m’ont passionné, dit le bibliothécaire avec une sorte de gémissement. Je n’avais aucune idée de la reconstruction du monde civilisé après les invasions des Barbares, et je ne croyais pas que les âges d’obscurantisme fussent un sujet si fascinant…

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Une autre personne de la société avait été matinale comme M. Murrel avait été noctambule, tandis que M. Herne planait hors des temps au sommet de la bibliothèque. Olive Ashley était descendue dès les premières heures de l’aube et s’était dirigée vers la longue pièce dont les vastes fenêtres laissaient entrer tant de lumière et au bout de laquelle était placée la petite table portant toutes les menues pièces de son jeu d’enluminure gothique. Elle s’assit pour s’amuser avec ses jouets, ou pour peiner sur ses travaux délicats, comme elle le faisait déjà à l’heure pâle du matin où commença cette histoire. Seul un observateur attentif aurait pu remarquer que son