Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/70

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humeur et ses mouvements étaient légèrement différents, qu’elle n’était plus concentrée sur ses couleurs avec une ardeur aussi innocente, et qu’il lui arrivait parfois de déposer son pinceau et de regarder au dehors les vastes étendues du gazon et du ciel.

Olive Ashley était une personne assez bizarre, que ses amies, selon leurs dialectes divers, appelaient : une fille étrange, un drôle d’oiseau, ou un singulier numéro. Rien de plus singulier, si on y songe, que cette action toute simple par laquelle commence son histoire : elle continuait « d’enluminer », alors que pour tout le monde la grande affaire était la pièce, elle restait obstinément accrochée à sa marotte, au milieu du tourbillon de l’absurde entreprise théâtrale.

Pourtant, elle était la première inspiratrice de toute cette aventure. Elle était en fait l’auteur de Blondel le Troubadour, et sans sa manie de blasons et de vitraux, ce n’est pas aux XIIe et XIIIe siècles que Douglas Murrel aurait consacré ses talents de décorateur domestique et d’expert en architecture, ni à ces époques ténébreuses que la blonde Rosamund aurait prêté le soleil de sa beauté. Ce n’est pas non plus le mot Troubadour qui avait entraîné Julian Archer à franchir le portail gothique. Il se serait contenté d’autres déguisements plus ordinaires ; il se serait vu volontiers avec de la poudre et des mouches, des talons rouges et une épée de parade. Il aurait figuré avec plaisir un ancien Romain ; un Cavalier de l’époque Van Dyck aurait fait un bel effet. Mais il ne demandait pas mieux que d’être un Troubadour. Sans doute classait-il les générations humaines selon le système de M. Abrahams, le costumier à la mode, plutôt que selon la classification de M. Garton Rogers, de Balliol College.