Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/77

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mais désiré qu’il allât dans ces horribles endroits. Je parlais de vraies discussions avec des gens intelligents, sur des questions importantes.

— Ma chère enfant, répondit tranquillement Murrel, ne voyez-vous pas encore à quoi cela aboutira ? Dans ce genre de discussion, Braintree vous damera toujours le pion à tous. Les idées qu’il a, il sait pourquoi il les a, dix fois mieux que la plupart de ceux que vous appelez des gens cultivés. Il a lu autant qu’eux et se rappelle beaucoup mieux qu’eux ses lectures. Et il possède quelques pierres de touche pour distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas, qu’il peut appliquer instantanément. Elles sont peut-être fausses, mais il peut en faire l’essai et produire le résultat sur-le-champ. N’avez-vous jamais senti combien nous sommes tous imprécis ?

— Oui, répondit-elle d’un accent moins mordant, il sait ce qu’il veut.

— Il est vrai qu’il ignore peut-être trop la mentalité de certaines personnes, continua Murrel, mais il connaît notre milieu mieux que d’autres. Vous attendiez-vous vraiment à le voir se prosterner devant le génie du vieux Wister ? Non, non, ma chère Olive, si vous voulez vraiment le voir baisser la tête, il faut venir ce soir avec moi au Cochon qui siffle.

— Je ne désire voir personne la crête basse, répondit-elle, et je pense que vous avez eu grand tort de l’emmener dans ce genre d’endroit.

— Et moi, demanda le jeune homme plaintivement, que faites-vous de ma moralité ? Ma formation morale n’a-t-elle aucune importance ? Mon âme immortelle n’a-t-elle aucun prix ? Pourquoi cette légèreté, cette indifférence à mon progrès spirituel ?