Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/78

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— Oh ! répondit-elle avec une indifférence étudiée, tout le monde sait que cela vous est bien égal.

Il est nécessaire de mettre le lecteur au courant des péripéties principales de Blondel le Troubadour, pour lui rendre un peu plus vraisemblable le récit intitulé : « Le retour de Don Quichotte ». Dans le drame, Blondel abandonne bien inutilement la Dame de ses pensées à la perplexité et à la jalousie, lui laissant croire qu’il fait une excursion sur le continent pour chanter des sérénades à des beautés de tout genre et de toute nationalité, tandis qu’en réalité il chante ses sérénades dans un but exclusivement politique à un Seigneur très grand et fortement musclé. Le grand et musculeux Seigneur, qui est Richard Cœur de Lion, devait être incarné dans la pièce par un gentilhomme moderne répondant, au moins extérieurement, à ce signalement, un certain Major Trelawney, cousin éloigné de Miss Ashley. C’était un de ces hommes comme on en trouve quelquefois dans le monde, qui, pour une raison mystérieuse, sont capables de jouer alors qu’ils sont à peine capables de lire et, semble-t-il, tout à fait incapables de penser. Mais bien qu’il fût très brave garçon et excellent acteur mondain, il était aussi un homme très fantasque et avait été fort inexact aux répétitions.

Les raisons politiques qui étaient supposées pousser Blondel à chercher partout ce grand et musculeux Seigneur étaient naturellement de l’espèce la plus sublime. Tout au long de la pièce, ses mobiles étaient d’un désintéressement presque irritant, d’une pureté d’intention telle qu’elle confinait à la perversité. Murrel ne pouvait dissimuler sa joie à entendre ces sentiments d’abnégation, allant jusqu’au dépouillement absolu, exprimés par les lèvres de M. Archer.