Page:Chevalier - Accord de l'économie politique et de la morale, 1850.djvu/7

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de longs et solennels débats, et que tour à tour se rendront vraisemblablement bientôt tous les États civilisés. Liberté et justice ! Principes sacrés dont la société s’est appliqué successivement des formules de plus en plus larges, en raison du progrès successif des idées et des mœurs ; principes féconds d’où l’on a fait sortir une politique de plus en plus en rapport avec les vérités que Dieu, dans sa bonté infinie, avait révélées aux législateurs de son choix, et inspirées aux princes de la philosophie ; liberté et justice ! voilà l’épée et le bouclier de économie politique.

Mais quelle est la science qui est fondée à revendiquer ces deux principes comme siens ? Vous m’avez tous répondu : c’est la branche de la philosophie qui a pour nom la morale.

Ainsi, premièrement, l’économie politique est une science certaine, à la façon de la science du droit, de la morale et de la philosophie tout entière, parce qu’elle a, comme le droit, la morale et la philosophie, un groupe d’idées générales, solidement établies par la démonstration ou acceptées par la conscience du genre humain ; ce qu’on nomme, en un mot, des principes. Secondement, ses principes à elle, de même que ceux du droit et ceux de la politique, ne sont autres que les principes de la morale envisagés, non plus dans toute leur généralité, mais seulement sous un aspect particulier, qui correspond à un objet déterminé. Pour l’économie politique, cet objet est la formation et la répartition de la richesse.

Je pourrais même faire remarquer en passant, ce qui sera plus net pour vous quand vous aurez suivi un cours entier d’économie politique, que de ces deux grands principes, la liberté et la justice, le premier répond plus particulièrement à la formation, le second à la répartition de la richesse.

Il n’y a aucune des règles de l’économie politique qui n’ait besoin de s’adresser à la morale pour obtenir une sanction, disons mieux, qui ne soit la transfiguration de quelqu’une des notions de la morale publique ou privée. C’est ce que vous verrez en détail cette année, si vous me faites l’honneur de suivre mes leçons.

Quand on examine comment se forme la richesse, quand on dénombre les mobiles qui y contribuent, il est impossible de ne pas mettre au premier rang l’intérêt personnel. C’est là ce qui donne aux efforts de l’homme industrieux leur maximum de puissance. L’homme travaille pour lui, pour les êtres qu’il aime par-dessus tout au monde, pour sa femme et ses enfants. Voilà pourquoi il travaille activement, voilà a comment il devient, dans certains cas, infatigable. L’économie politique, dans ses raisonnements, tient donc un très-grand compte du sentiment de l’intérêt personnel. C’est un ressort dont elle signale sans cesse la puissance. La règle, qu’elle enseigne, de la libre concurrence, est la déduction logique de l’intérêt personnel.

Cette importance que l’économie politique accorde à l’intérêt per-