en abusons. Ils entreprenaient de l’exalter au-dessus de sa propre nature. C’était l’apothéose de l’homme, l’escalade du ciel.
L’entreprise des alchimistes était insensée, leur programme immoral et impie, et le mieux doué d’entre eux, le brillant Paracelse, devait, par sa fin prématurée, donner un cruel démenti à leurs rêves d’orgueil. Malgré la panacée qu’il portait toujours sur lui et qui devait le préserver de la mort, il mourut misérablement, épuisé par la débauche, avant d’avoir atteint cinquante ans. Lui, qui se flattait de posséder le secret de faire de l’or, c’est sur un grabat, dans un hôpital, qu’il exhala son dernier soupir.
Messieurs, tout système social qui tendra de même à supprimer la responsabilité humaine, qui aura la prétention de soustraire l’homme à la menace que notre propre liberté nous tient constamment suspendue sur la tête, sera, dans un autre genre, ce qu’était l’alchimie chimérique, inconciliable avec notre nature, avec les conditions de l’existence du genre humain sur la terre. On se flattera de porter le progrès dans le coin de son manteau, on n’y portera que la désorganisation de la société et l’abaissement de l’individu. On aura beau être animé d’intentions honnêtes, on n’aura aucune puissance pour le bien : malgré soi, on n’en possédera que pour le mal.
Supposez, par exemple, un système que l’auteur ait lui-même résumé en ces termes : que le travail s’y maintiendra sans le secours de la morale et de la faim ; n’hésitez pas à dire à l’auteur qu’avec sa formule, qui est l’inverse de celle du travail à ta sueur de notre front, il se met en insurrection contre la loi de la responsabilité humaine, et qu’il n’en faut pas davantage pour que son système soit impraticable et dangereux. Vous pourrez ajouter, par manière de consolation, que l’auteur de ce même système a eu le mérite d’apprécier le bien qu’on devait attendre du prin-