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— Veillez bien au grain, et faites en sorte que ces diables de Peaux-rouges ne s’en aperçoivent pas, répondit Nick du même ton de voix.

— Bien. Soyez tranquille, je vais tâcher de vous débarrasser à votre tour, répliqua le trappeur.

— Faites le mort, jusqu’à ce qu’une opportunité se présente. Les Indiens s’enivreront, avant la nuit, avec le whiskey qu’ils ont volé à Saül Vander. Soyez muet comme une carpe. Nous nous en tirerons, oui, tonnerre !

Kenneth entendit ces paroles avec un tressaillement de joie. Malgré l’horreur de sa situation, il crut aussitôt à la possibilité d’une évasion, car l’homme est ainsi fait, que l’espérance ne le délaisse qu’à la dernière seconde. Notre héros attendit le soir avec une anxiété poignante. Le temps marche vite quand nos heures sont comptées, mais il s’attarde et semble reculer alors que nous soupirons pour un grand bonheur. Kenneth voulut fixer ses pensées sur quelque objet propre à le consoler, ce fut impossible. Sylveen, l’enchanteresse, remplissait son esprit. Qu’était-elle devenue ? avait-elle réussi à s’échapper ? Où reposait-elle ? Quelqu’un avait-il soin de cette délicate jeune fille ? Ne se traînait-elle pas, harassée de fatigue, mourant de faim et de soif au milieu des bois ? Les Indiens ne l’avaient-ils point surprise ? Cruelles incertitudes ! Ces interrogations sans réponse, Iverson se les adressa mille et mille lois, jusqu’à ce que le soleil se penchât à l’horizon. En contemplant le coucher de l’astre glorieux, il éprouva un sentiment de grave mélancolie qui ne l’avait jamais frappé auparavant.