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cependant, qu’ils étaient Indiens. Le plus grand commença à parler, et Kenneth ne fut pas peu surpris de l’entendre s’exprimer en anglais pur, au lieu de se servir de l’idiome propre aux peuplades sauvages de l’Amérique septentrionale.

— Louveteau, as-tu la langue droite, ce soir ? dit-il.

— Ma langue n’est jamais crochue, répondit vivement Le Loup.

— C’est bon, ne nous occupons pas de bagatelles, mon garçon. As-tu réfléchi aux paroles qu’un petit oiseau a laissé tomber dans tes oreilles, hier !

Kenneth reconnut cette voix. Il l’avait déjà entendue, et il était impossible de l’oublier. C’était la voix de Mark Morrow.

— Ceux qui sont sages n’écoutent pas tous les oiseaux qui passent. Vous avez demandé le louveteau, le voici. Langue-croche, parlez.

— Tu n’es pas le petit d’un loup, répondit adroitement Morrow, car le loup court où il veut, et tu portes à ton cou le collier de la servitude.

— Le Loup n’est pas un esclave !

— Je ne vois pas bien la différence qu’il y a entre toi et un esclave, ricana Morrow. Ton esprit est dompté. Tu as perdu l’amour de la liberté. Tu obéis comme un chien aux ordres de ta maîtresse. La fierté des vaillants Pieds-noirs est morte en toi.

— Langue-croche, répliqua Le Loup avec emportement, vous parlez faussement ! Dites plutôt ce que vous voulez, sans quoi les oreilles du jeune loup ne vous seront plus ouvertes.

— Mes affaires concernent, comme tu le sais, la jeune fille au visage pâle, que tu appelles Lever-du-soleil. Mon cœur est rempli de son image. Je veux qu’elle vienne habiter mon wigwam.

Par une sorte de perception intime, Kenneth comprit qu’en prononçant ces paroles. Mark Morrow cherchait à lire sur les traits du jeune Indien.

— Continuez, dit celui-ci.

— Les tiens sont dans le voisinage, reprit Mark.

— Ces gens appartiennent à ma race, mais ce ne sont pas parents.

— Leur sang coule dans les veines, et une voix intérieure te crie de rejoindre ta nation.

— Je vous écoute, dit Le Loup.