Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/170

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Cette question si directe émoussa l’impassibilité ordinaire de Judas.

Il s’arrêta court au milieu de sa promenade.

La trahison est peut-être — quel que soit d’ailleurs son but — le plus affreux des forfaits. Les grands criminels y répugnent souvent. On en a vu pour qui voler, piller, violer, assassiner, incendier, torturer étaient un jeu, qui se raillaient de la justice divine et humaine, mais pour qui aussi l’appellation de traître eût été une injure sanglante, dont ils auraient eu plus horreur que du bagne ou de l’échafaud.

Judas n’avait point de ces pudeurs dans le vice ; cependant, malgré l’absence de sens moral dont il faisait preuve et parade, il ne se sentait pas tout à fait à l’aise dans le plan qu’il avait conçu, et auquel sa pensée avait associé l’ingénieur français.

— Ce que je propose, dit-il avec une lenteur rêveuse ; oui, je vais te les faire, mes propositions…

Il s’avança de nouveau vers Dubreuil, se reprit à l’examiner comme s’il eût voulu sonder jusqu’au plus profond de son âme, et brusquement lui dit :

— Tu es discret ?

— Sans doute, fit Adrien intrigué.

— Ta parole que jamais tu ne révéleras ce que je te communiquerai ?

— Je vous la donne.

— Du reste, tu sais, ajouta le lieutenant du Mangeux--