Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/281

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que j’avais vu. Tout à coup je m’éveille, on m’emportait. Je veux me débattre, m’échapper, fuir ! des bras de fer me tiennent captive.

À la clarté de la lune, j’avais reconnu le Visage-Pâle dont la visite m’avait émue le matin.

Il m’entraîna loin ! loin ! cherchant à m’enivrer avec sa parole d’amour. Mais je n’étais pas libre. La fille des sachems nadoessis n’entendait plus le langage de son ennemi. En liberté, elle ne lui eût rien refusé ; prisonnière, elle eût soutenu jusqu’à la mort son droit de se donner.

Je ne connaissais pas Schedjah-Nitigush[1].

Quand j’eus vu que son existence était sombre comme l’eau qui coule sous les noirs sapins, quand j’eus vu que, comme le carcajou, il égorgeait pour sucer le sang de sa victime, je le méprisai, et pourtant, je l’avoue, puisque tu dois lire dans mon sein, Ihouamé Miouah, je ne pus me défendre de l’aimer encore. Explique cela, toi, qui sais tout. J’étais son esclave, et il me respectait ; je ne pouvais rien contre lui, et il obéissait à mes ordres, à mes moindres désirs. Pour moi les plus brillants ouampums, les plus riches pelleteries, les parties les plus délicates du gibier ou du poisson qu’il prenait. Ses gens, sa bande me traitaient en otah[2]. Un seul, peut-être,

  1. Le mauvais Français. C’est ainsi que les Indiens du lac Supérieur dénommaient Jésus, le Mangeux-d’Hommes.
  2. Reine.