Aller au contenu

Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la réouverture de la navigation, quand le ciel est pur, le temps pas trop froid, pour faire une excursion fluviatile.

La Mouette remontait gracieusement la Sainte-Marie, chamarrée de glaçons qui brillaient au soleil comme des plaques d’or ou d’argent.

Les bords de la rivière, à demi parés de leur toilette d’été, avaient tout le charme du déshabillé.

Des bouffées d’un air frais et balsamique invitaient à la gaieté en aiguisant les sens.

Aussi les passagers du bâtiment se tenaient sur le pont, mêlant leurs chants à ceux des matelots, occupés, soit à arrimer les marchandises dans l’entrepont, soit à disposer leur voilure pour entrer dans le lac Supérieur, dont les deux sentinelles, postées à la porte, le Gros cap[1] et le cap Iroquois, se profilaient hardiment à l’horizon.

Vers deux heures, les caps furent doublés, et Adrien Dubreuil se trouva, pour la première fois, devant cette mer intérieure nommée lac Supérieur.

Aussitôt la Mouette commença à rouler et à donner de la bande, pressée, foulée qu’elle était par une multitude

  1. Les Indiens l’appellent Kitchi-Manitou, ou Divinité Suprême, parce que, de loin, son sommet figure une tête d’homme. « Ce qui fait, dit Charlevoix, que les sauvages l’ont pris pour le Dieu tutélaire de leur pays. » Les Indiens nomment aussi le lac Supérieur Kitchi-Gomi, de kitchi, grand, et gomi, eau.