Page:Chevreul - De la baguette divinatoire, 1854.djvu/94

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d’expliquer de pareils faits, et c’est aussi ce qui les rend si hardis ; il est clair qu’ils comptent beaucoup sur la docilité des lecteurs, sur la disposition des peuples à recevoir tout ce qui leur fait plaisir, et sur l’expérience que l’on a eue de tout temps que les moindres raisons sont persuasives lorsqu’elles autorisent ce que la curiosité, l’intérêt ou l’amour-propre nous fait aimer. Probabilités, conjectures, la moindre apparence de vérité, tout leur est bon. Comme ils espèrent qu’on n’y regardera pas de si près, ils ne craignent pas de se servir de principes qui ne sont nullement favorables à leurs opinions ; et ceux mêmes qu’on avait crus les plus propres à désabuser le monde de mille folies, ce sont ceux-là qu’ils emploient pour les autoriser.

Cela me fait souvenir de ce qu’a dit l’auteur des Nouvelles de la république des lettres en parlant des talismans que M. Baudelot veut justifier par la nouvelle philosophie. Il fait à cet endroit une réflexion fort judicieuse et une espèce de prédiction qui ne s’accomplit que trop tous les jours : Qui croirait, dit-il, que la philosophie de M. Descartes, qui a été le fléau des superstitions, doive être le meilleur appui des astrologues et des faiseurs d’enchantements ; néanmoins il n’est pas hors d’apparence qu’on verra cela tôt ou tard. L’homme n’est pas fait pour se pour voir passer de ces choses. Si on l’en détache par quelque côté, il a cent ressources pour y revenir. M. Gadrois, bon cartésien, a déjà montré qu’il n’y a point de système plus favorable à l’astrologie que celui de M. Descartes, et il serait aisé de montrer que celui des