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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/175

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sarcastique, imitée de Socrate. Ouvert devant Henri, l’éternel livre disait : « L’amant aime sa bien-aimée comme le loup aime l’agneau. » Cela fit réfléchir Henri :

— Mais tu es insensé, vieux sage, grogna-t-il à la fin. Si je n’avais aimé Julia que pour moi, désirerais-je aujourd’hui encore donner ma vie pour elle ? Le loup respecte-t il l’agneau ? Qui est-ce qui est dévoré dans la fable de La Fontaine ? Moi, loup, je me serais privé de boire pour ne pas troubler la boisson de l’agneau. Ah ! c’est lui qui m’a mangé !

Platon était bien compromis ; il devina sa situation et redoutant les angles des meubles, il s’avoua paradoxal : « Les dieux, lut Henri, veulent du bien à deux personnes, quand ils donnent à l’une de l’amour pour l’autre. »

— Oui ; non, maugréa le jeune homme. Non, oui. On n’écrit donc que pour dire l’un après l’autre ces deux mots. Une page flétrit l’amour ; la suivante loue l’amour. Peut-être ont-elles toutes les deux raison…

Et Henri se rappela que, oui, c’était bon quand les dieux voulaient du bien à la fois à Julia et à lui, et le poëte eut de