Aller au contenu

Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 18 —

meilleur moyen de sauver d’un péril n’est pas de le cacher comme font certains esprits étroits ; c’est bien plutôt d’écarter les fleurs qui le couvrent et de dire : Regardez.

En même temps que des chevaux et des voitures, j’achetai donc de ces malheureuses espèces de femmes qu’on ose appeler des maîtresses et qu’on traite en esclaves, dès que l’on est assez riche pour être leur sultan. Je leur donnai ma vie. À vingt-cinq ans, je les connaissais par cœur, elles et leurs roueries ; c’est assez dire qu’elles me répugnaient déjà, et vingt-cinq ans plus tard, on me voyait encore a l’Opéra, sur les boulevards, aux eaux, entouré de ces démons, devenus ma société nécessaire. Quoique n’ayant jamais aimé, je ressentais parfois, je te l’avoue, un vague désir d’amour ; mais comment le satisfaire avec de telles femmes ? Je les payais pour me dire : « Je t’aime… » et quand elles accomplissaient leur tâche, je leur répondais : « Je te méprise… » J’avais énormément d’esprit.

Enfin, la soixantaine approchant, je compris, fatigué, dégoûté, qu’il avait fallu ma santé de fer pour résister à cette vie-là. Un jeune homme qui s’ennuie sa