Aller au contenu

Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 20 —

contemplant ma fortune ! J’avais beaucoup dépensé ; mais l’égoïste sait faire de la débauche en ne se ruinant pas. Cet or, gardé malgré toutes les sollicitations des parents, des amis, toutes les excitations parisiennes, oh ! que je l’aimais. Je le mettais en piles. D’un côté je plaçais toutes les pièces de Charles X, de l’autre celles de Louis-Philippe ; ici brillaient mes républicaines, là mes beaux napoléons. Je fixais sur ces piles des yeux de collectionneur admirant ses tableaux. Mes chères pièces, de temps en temps je les frottais avec du blanc d’Espagne ; comme elles reluisaient !

Puis je reconstituais avec des tas d’or ma vie. J’avais dépensé ceci pour une telle ; la voiture d’une telle m’avait coûté cela, et ma mémoire suivait cette voiture dans les anciens lieux de plaisir… Ce qui restait de vices en moi, la vue de mon or l’alimentait. Je m’imaginais que mon régiment de napoléons défilait dédaigneusement devant M. de Bœuflard, par exemple, qui est si fier de sa fortune. En dressant aussi haut que possible un monceau de louis, je m’écriais : « Mon bel hussard doré, de la vertu de combien de femmes saurais-tu triompher ! » C’était ignoble à