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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/279

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jour un homme, et que Charlotte serait un jour une femme.

Nous jouions aussi à cache-cache. Je n’ai pas besoin de vous rappeler ce jeu, qui nous a fait battre le cœur à tous. Un jour, nous nous rencontrâmes, Charlotte et moi, dans le grenier, chacun de nous cherchant une cachette et ne la trouvant pas. Elle avait huit ans, ai-je dit, je n’en avais guère plus de neuf ; nos yeux tombèrent sur un grand panier que je traînai dans un coin en disant tout content à Charlotte :

— Mettez-vous dessous.

Et sans qu’elle pensât à me dire de m’en aller, je m’y glissai auprès d’elle.

Ô innocence ! duvet que le vent de la puberté enlève des joues et de l’âme, neige que la boue de la terre décolore et absorbe, précieux parfum renfermé dans un flacon dont chacun s’acharne à lever le bouchon. Ô pureté ! que l’on perd en se jouant et qu’on regrette toujours d’avoir perdue. Ô candeur ! perle rare que l’on roule imprudemment sur le pavé comme on fait d’une bille, et qui s’y brise, hélas ! elle qu’aucun orfèvre ne réparera jamais. Ô naïveté ! vertu des anges, serez-vous, du train où nous allons, l’apanage de nos jeunes fils,