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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/280

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comme vous avez été le nôtre ? Une seule génération de Benoitons doit suffire à détruire bien des virginités morales ; innocence, pureté, candeur, naïveté, résisterez-vous à la génération qui suit la nôtre ? Moi-même, n’ai-je pas peine à croire aujourd’hui que ces saintes sœurs aient été avec Charlotte et moi sous le même panier et que nous ayons pu y tenir tous ensemble ?

Cependant la nuit de ce panier m’effrayait. Je me sentais rouge et tremblant sans m’en rendre compte ; je ne touchais point Charlotte, j’aurais eu peur que le bout de mes doigts ne mît le feu à ses vêtements. Je ne chuchotais pas un seul mot ; elle ne parlait pas non plus ; il me semblait qu’elle aussi devait être toute rouge et fixer les yeux sur moi, comme je sais bien que, sans la voir, mes yeux étaient fixés sur elle. Mon sang fouettait à la fois ma tête et mes pieds. J’entendais battre mes artères, je sentais bondir mon cœur.

Tout à coup, honteux, je me retournai en criant : « Non ! non ! » Seize ans ont passé là-dessus et je m’en souviens encore…

Je venais d’avoir l’envie impérieuse, ardente, presque irrésistible, de prendre les mains de Charlotte et de baiser ses bonnes grosses joues. Déjà je pliais sous la loi de