Aller au contenu

Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 41 —

rit plus l’âme que le corps. Mais la volonté du jeune peintre était si tenace, sa vocation si légitime que l’heure de la victoire devait fatalement sonner enfin, la belle heure ! à ses oreilles patientes.

Après avoir, pendant dix ans, vendu pour des sous ses premières œuvres, — ces chères œuvres auxquelles on travaille avec tant d’ardeur, ces inspirations d’une minute de fièvre si longuement élaborées, sur lesquelles on compte pour acquérir gloire et fortune, et qu’avant d’avoir eu le temps de leur donner la dernière caresse, on abandonne dans la faim à quelque dédaigneux brocanteur, — Fercy parvint à achever une toile, digne d’être exposée.

C’était alors le temps des Boulanger, de Decamps, de Delacroix, de Delaroche, la grande époque où le drapeau de la peinture flottait si haut qu’il tirait à soit tous les regards, et où l’œuvre même d’un inconnu, si elle était bonne, ne pouvait point ne pas être remarquée.

Celle de Fercy était bonne. C’était un Machiavel travaillant, d’une profondeur qui grisait comme un abîme, d’une ironie qui frappait. Un diplomate donna dix-huit mille francs pour ce tableau, dont il