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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/46

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petits canards plongent le bec, pleins d’une égale ardeur et de l’ambition de gagner la victoire. — C’est le morceau de pain, que je veux dire. — Mais les voilà qui reparaissent l’un après l’autre. Pourquoi tous ont-ils cette piteuse tournure ? L’un au moins a dû manger le petit morceau de pain. Pourquoi tous traîner l’aile, geindre si tristement, avoir cet air désappointé ? Comment, parmi toutes ces têtes, pas une qui semble heureuse ! Que s’est-il donc passé ? Julia se baisse et ramasse un caillou. Ah ! je comprends ! C’est aussi un caillou que leur a jeté la méchante. Pauvres petits canards !

Mais pourquoi m’arrêter à un désappointement de canards, quand j’ai l’unique intention de vous raconter une promenade d’amour ?

Si vous ne connaissez pas les environs de Morlancourt, je le regrette pour vous ; car j’ai rarement vu de plus beaux sites. Tantôt c’est une plaine, tantôt une colline boisée ; ici, un fourré solitaire et caché comme Esther avant son mariage ; là, de vastes pelouses, où des rochers font tout leur possible pour sortir de terre, comme s’ils étaient curieux de voir les ruines du château et les profonds ravins.