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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/54

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— Qu’avez-vous ? lui demanda doucement la jeune fille.

— Je me rappelle qu’après avoir lu les lettres que vous m’écriviez au collége, j’étais fou. Une ardeur immense me poussait. Mon cœur était plein de vous, et ma tête bouillonnait. Rien alors ne me paraissait trop long ni trop dur à apprendre. À la fin de l’année, pensais-je, elle sera fière de moi ! Mais malheureux celui qui me déplaisait, les jours où j’attendais vainement de vos nouvelles. Rageur et hébété, j’éprouvais le besoin de me venger de votre oubli sur quelqu’un. J’étais devenu stupide. Vous voyez bien qu’il faut m’aimer, Julia.

— Ingrat !

— C’est que je ne m’estimerais plus si je n’accomplissais pas le serment que j’ai fait à mon oncle mourant et, le jour où vous cesseriez de m’aimer, Julia, je n’aurais plus guère la force que de me mépriser…

— Mais vous ne pourriez pas mépriser une morte et, le jour où je cesserai de vous aimer, mon cœur aura cessé de battre. Qu’y a-t-il, fit-elle tout à coup, n’avez-vous pas entendu du bruit dans le feuillage ?