Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/229

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prévenue de rien ; mais à présent je m’y attendrai. J’ai déjà fort bien compris comme il voulait que je fisse pour lui remettre ma réponse. Il est bien facile de s’entendre avec lui, car il a un regard qui dit tout ce qu’il veut. Je ne sais pas comment il fait : il me disait dans le billet dont je t’ai parlé, qu’il n’aurait pas l’air de s’occuper de moi devant maman : en effet, on dirait toujours qu’il n’y songe pas ; & pourtant toutes les fois que je cherche ses yeux, je suis sûre de les rencontrer tout de suite.

Il y a ici une bonne amie de maman, que je ne connaissais pas, qui a aussi l’air de ne guère aimer M. de Valmont, quoi qu’il ait bien des attentions pour elle. J’ai peur qu’il ne s’ennuie bientôt de la vie qu’on mène ici, & qu’il ne s’en retourne à Paris ; cela serait bien fâcheux. Il faut qu’il ait bien bon cœur d’être venu exprès pour rendre service à son ami & à moi ! Je voudrais bien lui en témoigner ma reconnaissance, mais je ne sais comment faire pour lui parler ; & quand j’en trouverais l’occasion, je serais si honteuse, que je ne saurais peut-être que lui dire.

Il n’y a que madame de Merteuil avec qui je parle librement, quand je parle de mon amour. Peut-être même qu’avec toi, à qui je dis tout, si c’était en causant, je serais embarrassée. Et avec Danceny lui-même, j’ai souvent senti, comme malgré moi, une certaine crainte qui m’empêchait de lui dire tout ce que je pensais. Je me la reproche bien à présent, & je donnerais tout au monde pour trouver le moment de lui