NOus avons fait aujourd’hui cinq ou fix lieuës ; & nous voici mouïllez à quatre lieues de la barre de Siam : encore deux lieuës, & nous mouïllerons à demeure avec la groſſe ancre entre ſix & ſept braſſes. On ne ſçauroit approcher plus prés, à cauſe d’un banc de ſable qui eſt des deux cotez de la riviere. Le pilote Hollandois dit qu’il n’y a dans les baſſes marées que ſeize piés de fonds, & il nous en faut dix-ſept. Si cela eſt, & que nos vaiſſeaux ſoient obligez de demeurer à la rade, les Officiers ne viendront gueres à Siam.
M. Vachet eſt parti ce matin dans le canot : il va avertir de notre arrivée. M. l’Ambaſſadeur a écrit à M. l’Evêque de Metellopolis pour le prier de venir à bord conférer de toutes choſes. Il n’eſt queſtion préſentement que de l’entrée ; mais il faut qu’elle réponde à la dignité du plus grand Roi du monde. Quand nous ſerons dans la ville de Siam, dans le palais des Ambaſſadeurs de France, nous parlerons de l’audiance.
Nous n’avons point levé l’ancre. M. Manuel a prêché tout à ſon aiſe, & a fort exhorté les matelots à la perſévérance. Il a fait en paſſant l’éloge des Jéſuites. Outre que l’éloge eſtoit véritable, il avoit bonne grace dans la bouche du Miſſionnaire.
