10 Juin.
ON a beaucoup roulé cette nuit. Nous avions vent arriere : on ne roule pas tant quand il eft largue. La frégate nous fuit, & va bien.
Il n’y a point eu de hauteur. Le temps a eſté couvert toute la journée, un vent furieux de Nord : il nous mène à la route. Des grains de temps en temps. Il a fallu ſerrer les huniers & la grand’voile. La mizene ſuffit pour nous faire faire ſoixante lieuës par jour de ce train-là.
11. Juin.
CE n’eſtoit pas raillerie cette nuit : il faiſoit un vent terrible, une pluie, des éclairs, toute la mer eſtoit en feu. J’ai veule feu Saint-Elme ſur tous nos mâts : il décendoit auſſi ſur le pont ; il eſtoit gros comme le poing, brillant, voltigeant, & ne brûlant point. On ſentoit beaucoup le ſoufre ; point de tonnerre : les vagues entroient ſamilierement dans le vaiſſeau. Cela a duré juſqu’au jour. Le vent eſt diminué : la mer eſt toujours fort groſſe, point de ſoleil, point de hauteur ; & nous ſaiſons bon chemin. On roule beaucoup, parce que nous n’avons point de voiles pour nous ſoutenir ; il a fallu dîner en volant.