Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/140

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de cette perte, vous qui savez que la tragédie donnée aux hommes par les philosophes comme un remède salutaire contre leurs désordres, fut autrefois une école de vertus, où les esprits corrompus par les passions déréglées, trouvoient un plaisir innocent, qui les retiroit des plus criminels, où détournés de leurs vices, par un amusement noble et sérieux, ils devenoient peu-à-peu capables de goûter les plaisirs purs et solides de la sagesse : enfin où les tyrans les plus barbares étoient contraints quelquefois de se détester eux-mêmes, et de fuir un spectacle qui, en leur inspirant trop d’horreur de leurs propres cruautés, les dégoûtoit de leur tyrannie.

Je ne parle point ici de cette tragédie lâche et efféminée, qui n’a d’autre art ni d’autre but que celui de peindre et d’inspirer les amoureuses foiblesses, fille de l’ignorance et de la vertu indiscrète des jeunes écrivains, qui, sans étude et sans reconnoissance, apportent sur nos théâtres les productions crues et indigestes d’un génie qu’ils n’ont pas nourri des principes et de la lecture des anciens.

Je parle de la tragédie digne des soins d’Aristote et de Platon, telle que M. Racine l’envisageoit, lorsqu’il ne désespéroit pas de la réconcilier avec ses illustres ennemis[1].

  1. Dans sa préface de Phèdre.