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Lorsque les gens de Tautira connurent ce qui s’était passé, ils voulurent faire juger et emprisonner leurs députés pour avoir menti à la Chambre, et dans la délibération qu’ils eurent entre eux, à ce sujet, il fut prouvé que l’idée de cette demande avait été donnée à Mano, ministre protestant du district et membre de l’Assemblée législative, par M. Caillet, chef d’état-major et âme damnée de M. le Commandant Commissaire impérial.

Nous avons sous les yeux, en écrivant ceci, l’attestation de ces faits, contenant plus de soixante signatures des chefs des familles protestantes de Tautira. Cette attestation dit naïvement : « Dans le voyage de Mano et du chef d’état-major du gouverneur à Aiouroua, ce dernier dit à Mano : Il est nécessaire que tu demandes un ministre protestant français, et lorsqu’il sera arrivé, les deux (le prêtre et le ministre) se battront comme des coqs. Il a été écouté et il a été fait ainsi. »

Cette demande adoptée par la Chambre fut mise sous la forme d’une pétition qui, rédigée d’abord en français, fut ensuite traduite en kanack. Les fautes du texte tahitien le prouvent surabondamment. D’ailleurs, on sait fort bien qu’à Tahiti les Assemblées législatives n’ont jamais fait autre chose que ce que voulait le Commandant Commissaire impérial. Cela surtout a été vrai à l’époque dont nous parlons.

Cette pétition dit en parlant des catholiques : « Les ennemis de notre religion, qui sont aussi les ennemis du protectorat français, cherchent à nous calomnier, parce que nous ne voulons pas être ingrats envers ceux qui nous ont fait sortir du paganisme, et à blesser nos sentiments religieux, en disant que nous ne sommes pas attachés à la France. »

En lisant cette phrase dirigée contre les catholiques, ou pour mieux dire contre les missionnaires, le digne M. Miller, consul anglais à Tahiti, se mit à dire : « Voilà qui sera bien reçu à Exeter-Hall. » Mais, ajouta-t-il aussitôt avec un sourire : « Je ne crois pas que cela fasse le même effet à Paris »

Par cette pétition, M. de la Richerie faisait accuser les missionnaires catholiques d’être les ennemis de la France, mais dans le même temps (il faut lui rendre cette justice), il donnait à Mgr l’évêque d’Axieri une marque d’estime et de particulière considération en le priant d’être le parrain de sa fille.

La satisfaction intime qu’il ressentait devait être à son comble, car il pouvait espérer avoir dérobé la main qui portait un coup à la mission derrière les prévenances qu’il prodiguait