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En terminant, nous allons reproduire la lettre que la régente des Gambier écrivait à S. Exc. M. le Ministre des Colonies, à la suite de cette enquête, et qui fut perdue, croyons-nous, avec les pièces qui l’accompagnaient.

Voici cette lettre :

« À Son Exc. le Ministre des Colonies françaises, à Paris.
«Seigneur très-élevé,

« Depuis plus de dix-sept ans que nous sommes sous la protection de la France, nous nous étions toujours gouvernés d’après nos antiques usages et les lois nouvellement établies sous le christianisme et d’après même les conseils de tous les gouverneurs de Tahiti, depuis M. Bruat jusqu’à M. de la Richerie. Et voilà qu’aujourd’hui, pour avoir exécuté, dans les affaires Jean Dupuy et Jean Pignon, son oncle, les sentences portées par le Conseil mixte du pays (légalement établi par feu Grégoire, mon époux), je vois arriver un navire de guerre, le Railleur, pour venir faire des enquêtes sur ces affaires. Cependant, quelles sont les dernières paroles de l’honorable M. de Cintré, commandant de la Thisbé, lors de son passage ici, il y a un an ? Les voici, fidèlement traduites par l’interprète de M. le Commandant : « Dites à Sa Majesté que j’ai été envoyé par M. Saisset pour la rassurer, pour la protéger, et que tout ce qui s’est fait et qui se fait dans le pays d’après les lois locales, est chose sacrée. »

» M. Bruat, avant, avait écrit au R. P. Cyprien Liaussu, représentant du gouvernement français : « Que nous n’avions qu’à renvoyer de nos îles ceux qui y mettraient le désordre ; que nous étions maîtres chez nous. »

» M. de la Richerie lui-même, lors de son passage ici, a trouvé comme étant une bonne institution, la création d’un Conseil mixte, pour juger les affaires entre les Européens et les Indigènes, et d’un Conseil purement européen, pour les affaires entre Européens seuls. « Les décisions de ces deux Conseils, a-t-il dit, sont inattaquables et sans appel.[1] »

» D’où vient donc, très-élevé seigneur, qu’aujourd’hui on veut chercher à faire croire le contraire à mes gens, dans l’affaire de Jean Pignon et de son neveu ? D’où vient qu’on n’entend que ce qu’on veut bien entendre, en ne consultant

  1. Comparer ce dire avec celui de la page 40, ligne 30 et suivantes.