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Les temps étaient durs pour les îles Gambier, car la récolte n’avait presque rien produit et les habitants allaient avoir faim.

Lorsqu’ils eurent donné au navire toute la nacre qui lui revenait, ils prièrent le capitaine, qui avait des vivres en abondance, de leur en céder en échange des coquilles de nacre qui leur restaient. Mais il s’y refusa.

Les naturels furent affligés de ce refus, car ils ne savaient comment faire et ils craignaient la famine, surtout pour leurs femmes et pour leurs enfants. Dans leur détresse, ils eurent recours à ceux qui ont toujours compati à leurs peines et qui les ont toujours secourus de toutes leurs forces.

Les missionnaires implorèrent le capitaine du navire, mais ce dernier persista dans sa première résolution. Il voulait de l’argent en échange de ses vivres.

Le supérieur de la mission avait en dépôt une somme de treize cents francs environ, dont il devait rendre compte à son évêque. Il agit alors comme ce dernier l’eût fait en pareil cas. Il réunit à ce qu’il avait les quelques rares piastres possédées par les Indiens, et porta le tout au capitaine du navire.

Dieu aime le dévouement et la charité. Le cœur de ce capitaine s’ouvrit alors à la pitié. Non-seulement il donna des vivres pour la valeur de cet argent, mais il voulut bien, en outre, en échanger une certaine quantité contre de la nacre, et ainsi, la famine put être atténuée si elle ne fut point totalement conjurée.

Mieux que personne, les habitants de Mangarèva savent combien est réelle la pauvreté des missionnaires. Ils n’ignoraient point que l’argent dont ils venaient de disposer en leur faveur ne leur appartenait point ; alors ils furent vers eux et leur dirent : « Pères, vous nous avez donné de l’argent et par là vous nous avez sauvés de la faim. Mais il n’était point à vous et il vous faudra le rendre. Écoutez donc ! Nous allons vous donner beaucoup de nacre, vous l’enverrez à Valparaiso, où vous la vendrez et vous aurez de l’argent. »

Le moyen proposé par les Mangarèviens était, en effet, le seul que les missionnaires pussent employer afin de pouvoir rendre à qui de droit l’argent dont ils étaient responsables, et dont ils avaient disposé. Ils acceptèrent donc l’offre des Indiens qui, tout joyeux, leur apportèrent aussitôt leurs coquilles.